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Insomnie et grossesse : quel impact sur la santé ?

Exhausted pregnant woman suffering from insomnia or pain lying in bed.

Avertissement : la lecture de cet article ne vous dispense pas de consulter votre médecin généraliste ou spécialiste concernant les questions abordées.

Si vous êtes enceinte, vous l’aurez certainement remarqué votre corps est complètement chamboulé par les modifications physiologiques de la grossesse. Parmi ceux-ci il en est un que vous connaissez peut-être : l’insomnie. Durant la grossesse, les nuits sereines peuvent dès lors se faire plus rares. 

La question qui peut vous venir à l’esprit est la suivante : “est-ce que le manque de sommeil peut avoir des conséquences sur ma santé et celle de mon bébé ?”

Cet article explore en profondeur les effets du manque de sommeil sur la santé de la future maman. Il offre également des conseils pratiques pour mieux gérer les troubles du sommeil pendant ces 9 mois, période qui peut paraître interminable aux futures mamans qui en souffrent…

Comprendre l’insomnie durant la grossesse

Les maux de la grossesse entraînant l’insomnie

Les nausées, les crampes, les maux de dos et les pressions sur la vessie ne vous aident pas à trouver le sommeil. Bien au contraire ! Vous n’arrivez pas à vous endormir. Vous vous réveillez souvent la nuit. Rien de plus normal en réalité.

À cela s’ajoutent les émotions liées au stress et à l’anxiété. Elles apparaissent  dès que vous pensez à l’arrivée prochaine du bébé. 

Les différentes plaintes d’insomnie avant, pendant et après la grossesse

L’insomnie peut se manifester de différentes manières. Parmi elles on retrouve : 

  • Les difficultés d’endormissement – en début de nuit
  • Les réveils nocturnes fréquents – avec difficultés à retrouver le sommeil en milieu de nuit
  • Le réveil matinal trop précoce – avec incapacité à se rendormir
  • la sensation de ne pas avoir récupéré sufisamment
  • Les difficultés diurnes : fatigue, concentration, mémoire, altération de l’humeur
  • Etc…

Chaque forme d’insomnie peut avoir des causes distinctes et nécessiter une approche thérapeutique adaptée. Demandez conseil à votre médecin si vous en souffrez. Surtout si vous êtes enceinte car les conséquences que cela entraîne ne sont pas à négliger. 

Le manque de sommeil dont souffre la future maman est particulier. Il ne peut pas être comparé à celui d’une femme qui dort mal sans être dans l’attendre un heureux événement.

L’importance d’une évaluation précise de l’insomnie durant la grossesse

Afin de bien traiter l’insomnie, une évaluation précise s’avère nécessaire. Tout d’abord, le médecin spécialiste du sommeil devra distinguer l’insomnie sans comorbidité, de celle survenant dans d’autres maladies notamment du sommeil.

Parmi ces dernières, on retrouve :  

  • Le syndrome des jambes sans repos ou impatiences avec ou sans mouvements périodiques des membres du sommeil (bras ou jambes)
  • Les troubles respiratoires liés au sommeil : le syndrome d’apnées obstructives du sommeil
  • Les troubles du rythme circadien dont veille/sommeil
  • Les parasomnies (somnambulisme, terreurs nocturnes, cauchemars ou éveils confusionnels)
  • Etc… 

Lorsqu’il vous interroge sur ce sujet, le médecin spécialiste du sommeil utilise un canevas d’entrevue structurée. Si vous présentez des symptômes spécifiques liés aux troubles du sommeil, il pourra vous aider à identifier ces troubles.

La comorbidité avec des troubles psychologiques ou médicaux

L’insomnie est souvent associée à des troubles psychologiques tels que : 

  • Les troubles de l’humeur
  • L’anxiété généralisée
  • Le stress post-traumatique
  • Etc…

Une analyse fonctionnelle exhaustive permet de comprendre les interactions entre l’insomnie et ces troubles. Par exemple, traiter un trouble de l’humeur peut améliorer l’insomnie. Mais l’insomnie peut persister et nécessiter un traitement spécifique. Elle peut aussi ne pas être liée à un épisode dépressif majeur. Chez la femme enceinte, la prudence sera de mise afin d’éviter un double diagnostic. 

L’insomnie est souvent associée à des troubles médicaux tels que :

  • le reflux gastro oesophagien (remontées acides)
  • l’asthme nocturne
  • maladies douloureuses, neurologiques.

Evolution de l’insomnie au cours de la grossesse

Les troubles du sommeil en début de grossesse

Durant le premier trimestre de grossesse, de nombreuses femmes éprouvent de la fatigue et de l’insomnie pour diverses raisons. Parmi elles on retrouve : 

  • Stress et anxiété : les inquiétudes liées au bon déroulement de la grossesse et de l’accouchement peuvent être une source de stress. Ce qui peut parfois mener à des troubles anxieux généralisés qui vont perturber le sommeil.
  • Changements hormonaux : l’augmentation de la progestérone et de l’œstrogène peut désynchroniser le rythme veille/sommeil.
  • Envies fréquentes d’uriner : la production de l’hormone HCG, la pression du foetus sur la vessie, l’augmentation de volume des reins, du flux sanguin et du volume filtré fragmentent le sommeil.
  • Nausées, vomissements, remontées acides : ces symptômes peuvent survenir à tout moment, perturbant ainsi le sommeil.
  • Douleurs mammaires et pelviennes : les douleurs physiques peuvent également affecter la qualité du sommeil.

L’insomnie au deuxième trimestre de la grossesse

Les troubles du sommeil peuvent durer tout au long de la grossesse. Nous avons vu que c’était déjà le cas au cours du premier trimestre.  Le pic de HCG atteint son maximum entre la 9e et la 12e semaine de grossesse. Produite par le placenta, cette hormone aux côtés de la progestérone et des oestrogènes, est indispensable pour la progression de la grossesse et le développement de l’embryon.

Le sommeil paradoxal ou sommeil de rêve est augmenté, la future maman fait davantage de rêves et de cauchemars. Ceux ci sont en lien avec la crainte de l’inconnu (grossesse, accouchement..). Le syndrome des jambes sans repos oui impaciences des jambes ou des bras apparait généralement aux 2 e et 3 e trimestres empêchant la femme enceinte de s’endormir.

La future maman peut présenter des brûlures à l’estomac du fait de l’expansion de l’utérus et de la fatigue par manque de fer et suite à la diminution de sa consommation de café.

Pourtant, le deuxième trimestre offre un peu d’accalmie. C’est généralement le moment de profiter pleinement de bébé qui grandit et qui commence à se mouvoir tout doucement. C’est aussi le moment où l’on découvre si l’on attend une petite fille ou un petit garçon.

Les insomnies du troisième trimestre de la grossesse

Au troisième trimestre, une série de nouveaux éléments font leur apparition et viennent compliquer les choses. Parmi ceux-ci, on retrouve :

  • Inconfort physique : le ventre plus volumineux augmente la difficulté à trouver une position confortable pour dormir. Les jambes ne trouvent pas le repos.
  • Changements hormonaux : la sécrétion de la prolactine culmine au 3 e trimestre et fragmente le sommeil. Cette hormone a pour fonction de nourrir le bébé, ce qui l’excite considérablement entre 20 h et 2 h du matin, empêchant la maman de dormir.
  • Crampes et maux de dos : ces douleurs sont fréquentes et peuvent réveiller les futures mamans au cours de leur sommeil. Les crampes dans les jambes sont souvent dues à un manque de fer, d’acide folique (Vit B9) ou de calcium.
  • Canal carpien : 20 % des futures maman en souffrent : les changements hormonaux et l’augmentation du volume des liquides corporels compriment les nerfs.
  • Envies d’uriner : l’envie fréquente d’uriner persiste, interrompant le sommeil.
  • Mouvements du bébé : les mouvements du fœtus peuvent également perturber le sommeil.
  • Inquiétudes liées à l’accouchement : l’approche de l’accouchement peut exacerber l’anxiété apparue au premier trimestre et perturber le sommeil
  • Ronflements : la congestion nasale et l’ascension du diaphragme par la pression de l’utérus favorisent les ronflements et souvent les apnées obstructives du sommeil, d’autant plus si la future maman est en surpoids ou en situation d’obésité (voir mon article sommeil et surpoids).

Conséquences de l’insomnie durant la grossesse pour la maman

Le manque de sommeil pendant la grossesse peut avoir des effets significatifs sur la santé physique et mentale de la future mère. Les médecins spécialistes du sommeil constatent le plus souvent :

Fatigue chronique et baisse d’énergie

Le manque de sommeil entraîne une fatigue chronique, ce qui peut diminuer la capacité de la maman à effectuer ses activités quotidiennes. Cela peut également affecter sa qualité de vie, son humeur, la rendant plus irritable et stressée. En dessous de 6 h de sommeil moyen par nuit, le seuil de la perception de la douleur est diminué favorisant les douleurs lombaires et de la ceinture pelvienne au cours de la grossesse et lors du post-partum.

Risques accrus de dépression et d’anxiété

La dette de sommeil augmente le risque de développer des symptômes anxieux et dépressifs. La dépression post-partum, en particulier, est souvent liée à des problèmes de sommeil non résolus pendant la grossesse. Le risque suicidaire est augmenté au cours de cette période, soyons vigilants.

Hypertension et prééclampsie

Le manque de sommeil en favorisant le surpoids ou l’obésité, peut augmenter dans ce cas le risque d’hypertension artérielle, de pré-éclampsie et de diabète gestationnel. Ce sont des complications de la grossesse qui doivent être prises au sérieux. Elles nécessitent une attention médicale immédiate et un suivi régulier.

Affaiblissement du système immunitaire

Le sommeil est crucial pour le système immunitaire. Le manque de sommeil peut affaiblir les défenses immunitaires de la maman, en augmentant le taux de cytokines (normalement éliminées pendant le sommeil) la rendant plus susceptible de contracter virus et infections. En excès les cytokines sont responsables d’une anomalie vasculaire affectant le placenta provoquant les accouchements prématurés et les césariennes non planifiées.

Conséquences de l’insomnie durant la grossesse pour le bébé

Le sommeil de la maman influence directement le développement et la santé du bébé. Ceci est davantage constaté lorsque la maman exerce un travail de nuit posté avant et pendant la grossesse. Parmi les risques les plus courants, on retrouve :

Le retard de croissance intra-utérin

Un manque important de sommeil peut être associé à un retard de croissance intra-utérin, ce qui signifie que le bébé ne grandit pas aussi bien qu’il ne le devrait pendant la grossesse.

Les naissances prématurées

Les troubles du sommeil peuvent augmenter le risque de naissance prématurée, ce qui peut entraîner des complications de santé à long terme pour le bébé.

Le faible poids de naissance

Un sommeil insuffisant chez la maman peut également entraîner un faible poids à la naissance, ce qui peut affecter la santé du bébé à court et à long terme.

Dans tous les cas, si vous avez un doute ou des questions, consultez votre médecin traitant ou votre gynécologue-obstétricien.

Comment mieux dormir pendant la grossesse ?

Adopter une bonne hygiène de vie

S’imposer une bonne hygiène de vie semble aller de soi durant la grossesse. Mais la fatigue et les autres symptômes dont nous avons parlé peuvent venir compromettre sa mise en place. De manière générale, je conseille :  

  • Adoptez des horaires réguliers : maintenir des heures de lever régulières. Se coucher lorsque le marchand de sable passe (froid, les yeux qui piquent..). Évitez les siestes tardives et trop longues. 
  • Consommez des repas légers et équilibrés : dînez léger et évitez de manger trop tard pour limiter les nausées nocturnes.
  • Pratiquez une activité physique : ayez des activités physiques régulières et adaptées à la grossesse comme la marche, la natation ou le yoga prénatal (voir mon article sur activité physique et sommeil durant la grossesse).

Au sujet de l’alimentation, consultez mon article précédent sur l’impact du surpoids durant la grossesse.

Se détendre avant de dormir

Les activités qui favorisent l’endormissement peuvent varier d’une personne à l’autre. Pendant la grossesse également, elles peuvent différer. Voici mes conseils : 

  • Exercices de respiration, cohérence cardiaque et méditation : ces pratiques peuvent aider à se détendre avant de dormir.
  • Bain : prenez un bain entre 28 et 33 °C. pas trop chaud pour vous apaiser (trop chaud il pourrait accélérer le travail), au moins 2 h avant l’heure du coucher.
  • Lecture : lisez un livre agréable pour favoriser la détente.
  • Environnement : préférez une chambre bien aérée (au moins 10 min), une température de 18°, calme sans écran ni stimulation lumineuse.

Soulager les douleurs

Des douleurs peuvent survenir et augmenter au cours de la grossesse. Voici deux solutions que je conseille vivement à mes patientes pour les diminuer : 

  • Soutien-gorge de grossesse : porter un soutien-gorge ou une brassière en coton doux pour soulager les douleurs mammaires.
  • Coussin de grossesse : utiliser un coussin pour soutenir le corps et améliorer le confort pendant le sommeil. Disposez-le entre vos jambes comme si vous embrassiez quelqu’un. Attention : cela fonctionne moins si vous utilisez votre chéri ou votre chien ou chat car ceux-ci peuvent bouger durant la nuit et vous réveiller. 

Parler de ses inquiétudes

N’hésitez pas à discuter de vos préoccupations avec votre médecin, gynécologue, sage-femme ou proches. Consulter un.e psychologue peut également aider à réduire le stress et l’anxiété. 

A ce propos, vous pouvez déjà consulter notre article sur la thérapie cognitivo-comportementale pour traiter l’insomnie.

En résumé, le sommeil pendant la grossesse est crucial pour la santé de la maman et du bébé. Adopter de bonnes pratiques de sommeil peut faire une différence significative. Si les troubles du sommeil persistent, il est essentiel de consulter un professionnel de santé avant de prendre des médicaments.

En tant que médecin du sommeil, je mets un point d’honneur à explorer et à promouvoir des interventions efficaces pour améliorer la qualité de vie des femmes enceintes. 

Sources : https://www.vidal.fr/, Kember, Allan J et al. “Common sleep disorders in pregnancy: a review.” Frontiers in medicine vol. 10 1235252. 21 Aug. 2023, doi:10.3389/fmed.2023.1235252

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