Avertissement : La lecture de cet article ne remplace pas une consultation médicale. Consultez votre médecin généraliste ou spécialiste pour toute question concernant votre santé.
Dernièrement, une patiente me posait la question suivante : “Je suis enceinte et quand je dors je ronfle comme un camion : c’est grave, docteur ?”. Je vais tâcher de lui répondre dans cet article. Son contenu pourrait également vous intéresser si vous êtes enceinte et que vous souffrez ou pensez souffrir d’apnées du sommeil.
Parmi les complications qui peuvent survenir durant la grossesse, les troubles respiratoires du sommeil, en particulier les apnées et hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS), sont souvent négligés. Pourtant, ces troubles peuvent avoir des conséquences graves tant pour la mère que pour le fœtus.
Cet article explore les apnées du sommeil chez la femme enceinte, en mettant en lumière les risques associés, les symptômes, ainsi que mes propositions pour le dépistage et diagnostic rapide pour une prise en charge continue et adaptée.
Les apnées du sommeil : qu’est-ce que c’est ?
Les apnées du sommeil sont des interruptions temporaires de la respiration pendant le sommeil. Quand ces pauses sont causées par l’obstruction partielle ou complète des voies respiratoires supérieures, on parle de SAHOS.
Dans le cas du syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS), ces ralentissement et ces interruptions de la ventilation sont récurrentes comptabilisées à partir de 10 secondes, elles peuvent durer plus de 30 secondes. Ceci provoque une réduction de l’oxygénation du sang (hypoxémie) et la fragmentation du sommeil. Elles peuvent donner lieu à un réveil brutal parfois en étouffant. Ce phénomène entraîne un sommeil fragmenté et de mauvaise qualité. La conséquence principale est une somnolence diurne excessive et des troubles de la concentration ou de la mémoire.
Les dangers qui y sont liés sont principalement physiologiques. Une prise de conscience du problème est nécessaire. Ainsi, une femme enceinte qui somnole et qui prend le volant risque deux vies en même temps. Alors si vous pensez être concernée, il est urgent de réagir.
Prévalence des apnées du sommeil chez la femme enceinte
La prévalence des apnées du sommeil chez les femmes enceintes est difficile à déterminer précisément. En effet, les variations physiologiques normales de la grossesse peuvent masquer, imiter ou exacerber les symptômes.
La grossesse, en particulier au troisième trimestre, augmente le risque de SAHOS. Les femmes enceintes peuvent présenter des ronflements, un symptôme souvent associé au SAHOS.
Si vous en êtes au premier ou au deuxième trimestre, tenez compte du fait que la prévalence des apnées du sommeil augmente à mesure que la grossesse progresse. Alors mieux vaut prévenir que guérir : en cas de doute, consultez au plus vite votre praticien spécialiste du sommeil.
Facteurs de risque et physiologie
La grossesse induit des changements hormonaux et physiques significatifs qui peuvent influer sur la respiration. Les facteurs qui peuvent affecter la respiration nocturne sont :
- L’augmentation du volume utérin
- Le changement du centre de gravité
- L’accroissement du volume sanguin
- la migration des fluides vers les voies respiratoires.
Changements hormonaux
Les hormones de grossesse, en particulier la progestérone, provoque le relâchement des muscles des voies respiratoires, augmentent la sensibilité du système respiratoire au dioxyde de carbone. Ce qui peut entraîner une hyperventilation. L’œstrogène, lui, peut provoquer une congestion des muqueuses nasales, une rhinite, contribuant ainsi aux ronflements et à l’obstruction des voies respiratoires.
Changements physiques
L’augmentation du poids corporel durant la grossesse, notamment la prise de poids localisée autour du cou, peut entraîner un rétrécissement des voies respiratoires. De plus, le déplacement du liquide corporel en position allongée, principalement au cours du sommeil, peut provoquer un œdème des voies aériennes supérieures, augmentant le risque de SAOS.
Les symptômes et complications associées
Symptômes fréquents
Les symptômes des apnées du sommeil chez la femme enceinte sont souvent similaires à ceux observés en dehors de la grossesse. Les ronflements forts, la somnolence diurne excessive et les éveils nocturnes fréquents sont les signes les plus courants.
Ces symptômes peuvent être plus difficiles à reconnaître chez les femmes enceintes en raison de leur prévalence accrue due aux changements physiologiques normaux de la grossesse.
Complications pour la mère
Le SAHOS non traité pendant la grossesse est associé à un risque plus élevé de complications maternelles graves vasculaires et métaboliques et ce dès un nombre d’apnées plus faible que celles qu’on observe en dehors de la grossesse. Parmi les complications les plus fréquentes on retrouve :
- L’hypertension artérielle liée à la grossesse
- La prééclampsie
- Le diabète gestationnel
- Les césariennes
- Un temps de délivrance plus long
La prééclampsie, en particulier, est une condition potentiellement mortelle qui peut survenir après la 20e semaine de grossesse. Elle est caractérisée par une hypertension sévère et des dommages aux organes.
Les femmes enceintes atteintes de SAHOS courent un risque accru de cardiomyopathie, d’embolie pulmonaire et même de décès de la mère. Ces risques soulignent l’importance d’une prise en charge précoce et adéquate du SAHOS chez la femme enceinte.
Complications pour le fœtus
Les apnées du sommeil chez la femme enceinte peuvent également avoir des répercussions sur le fœtus. Parmi celles-ci, relevons une augmentation des risque de :
- Prématurité
- Retard de croissance intra-utérin
- Faible poids de naissance
Dans ces cas, il existe un risque accru d’admission en soins intensifs néonataux. On constate également de faibles scores d’Apgar. Rappelons que ceux-ci évaluent la santé du nouveau-né immédiatement après la naissance.
Diagnostic et dépistage des apnées du sommeil pendant la grossesse
Défis du diagnostic
Le diagnostic des apnées du sommeil chez la femme enceinte présente plusieurs défis. Les symptômes de SAHOS, tels que la somnolence diurne et les éveils nocturnes, peuvent être confondus avec les inconforts normaux de la grossesse.
La polysomnographie (examen de référence pour le diagnostic des apnées du sommeil) peut être contraignante pour les patientes enceintes. N’étant disponible que dans certains centres spécialisés, les listes d’attente peuvent être longues.
Or le bébé n’attend pas pour grandir. Raison pour laquelle il me paraît primordial de rappeler aux professionnels de la santé qu’ils doivent y être particulièrement attentifs.
Nous l’avons déjà évoqué dans notre article traitant du surpoids et du sommeil : la prévention commence avant la conception.
Outils de diagnostic
Nous venons de le dire : un diagnostic correct du SAHOS a pour objectif principal de prévenir les complications maternelles et fœtales. La polysomnographie reste la plus standardisée et peut s’effectuer en hospitalisation ou à domicile.
Des alternatives plus pratiques, comme les machines portables de dépistage (par exemple, Watch-PAT200, Embletta), se sont révélées efficaces. Elles peuvent être utilisées à domicile. L’avantage principal étant que cela permet de court-circuiter les listes d’attente dans les hôpitaux.
Des questionnaires de dépistage, tels que le questionnaire de Berlin (disponible sur le site web “Alliance apnées”), le questionnaire stop Bang et l’échelle de somnolence d’Epworth, sont couramment utilisés dans la population générale.
Cette dernière est bien connue des psychologues et des médecins pratiquant la thérapie comportementale et cognitive à laquelle je suis moi aussi formée. Je vous en parle dans l’article “ La thérapie cognitivo-comportementale de l’insomnie : comment la traiter durant la grossesse ?”.
Concernant l’utilisation des questionnaires et échelles, je tiens à noter qu’ils ont leur limite et ne doivent pas être utilisés isolément. Les résultats concernant les femmes enceintes doivent impérativement être complétés par ceux de la polysomnographie.
Prise en charge des apnées du sommeil chez la femme enceinte
Traitements non médicamenteux
La prise en charge des apnées du sommeil chez la femme enceinte repose principalement sur des interventions non médicamenteuses. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle me direz-vous.
L’utilisation d’une Pression Positive Continue (PPC) pour maintenir les voies aériennes ouvertes pendant le sommeil est recommandée pour les femmes enceintes atteintes de SAHOS modéré à sévère. Cette thérapie a montré des résultats plutôt prometteurs, améliorant le devenir maternel (en diminuant les symptômes et donc le stress) et fœtal. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne la prééclampsie et l’hypertension.
Les modifications comportementales jouent également un rôle crucial dans la gestion des SAHOS. Par exemple, dormir en position latérale gauche avec le haut du corps surélevé peut réduire les épisodes d’obstruction des voies respiratoires et améliorer l’oxygénation durant le sommeil. Cette position est également associée à une diminution du risque de mort fœtale in utero.
Prévention et surveillance
Nous en avons parlé dans un article précédent : atteindre un poids normal avant la conception et contrôler la prise de poids pendant la grossesse sont des mesures préventives essentielles pour réduire le risque de SAOS. Évitez aussi les médicaments qui peuvent affecter la respiration, comme les sédatifs, les anxiolytiques, les opiacés et les benzodiazépines.
Pour les patientes à risque élevé, une surveillance étroite de la tension artérielle et un dépistage du diabète gestationnel sont essentiels. Une échographie de croissance au troisième trimestre est également recommandée pour détecter tout retard de croissance intra-utérin.
Dans cet article, nous avons vu que les apnées et hypopnées obstructives du sommeil constituent un problème de santé important chez les femmes enceintes. Les implications pour la mère et l’enfant à naître ne sont pas à négliger.
Vous voilà prévenue : vous savez maintenant qu’il est nécessaire d’identifier et de traiter ces troubles pour minimiser les risques associés. Les interventions non médicamenteuses, telles que l’utilisation de la CPAP et les changements comportementaux, sont les principales options de traitement.
Nous avons abordé ce sujet dans un autre article : la prévention passe aussi par une gestion rigoureuse du poids et une surveillance médicale accrue. Une approche multidisciplinaire, impliquant obstétriciens, spécialistes du sommeil et autres professionnels de la santé, est essentielle pour assurer le bien-être des femmes enceintes atteintes de SAOS.